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Les laboratoires pharmaceutiques à l’heure du marketing de la donnée

28 jan , 2016,
AdminFR1

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Avec la sophistication des techniques de ciblage en ligne et le développement rapide des « medical devices » connectés, la gestion et l’exploitation de la donnée devient un enjeu crucial pour les Big Pharma.

La crise des dettes publiques, consécutive à la
dernière secousse financière, a conduit de nombreux gouvernements, parmi ceux
des pays développés, à prendre des mesures visant à endiguer l’augmentation des
dépenses de santé, phénomène quasi-continu depuis les trente dernières années.
Face à cette nouvelle donne politico-économique, les grands laboratoires
pharmaceutiques se sont lancés dans des programmes de réduction des coûts,
impactant de manière significative les budgets consacrés à la vente, avec en
première ligne les visiteurs médicaux. Ainsi, entre 2011 et 2013, on note la
suppression de 19% des ressources dédiées à la promotion et au marketing, sur
les cinq principaux marchés européens, et 16% aux Etats-Unis (tandis que ces
ressources étaient au contraire renforcées sur les marchés émergents tels que
le Brésil, la Russie et la Chine).

Rationalisation des
investissements marketing

A l’origine de cette réduction continue des efforts
promotionnels, et au-delà des contraintes purement macro-économiques, on retrouve
une pluralité de facteurs propres à l’industrie parmi lesquels; le faible
nombre de nouveaux produits mis sur le marché, l’impact de la perte des
brevets, une concurrence exacerbée des médicaments génériques, de moins en
moins de produits « blockbusters »… A ces facteurs
« marché » s’ajoutent des éléments liés à l’environnement
réglementaire en vigueur ; d’une part les directives de conformité qui rendent
particulièrement complexes l’utilisation des canaux de promotion traditionnels
(contrôle a priori des supports publicitaires destinés au grand public et aux
professionnels, délivrance de visa obligatoire par l’ANSM etc.) et d’autre
part, l’encadrement renforcé des relations entre industriels et professionnels
de santé (ou effet « post-Mediator »).

Dès lors, la stratégie promotionnelle des grands
groupes pharma tend à se redéployer autour de deux objectifs
prioritaires :

  1. Privilégier une approche ROiste des investissements promotionnels (retours
    quantifiables donc mesurables).
  2. Nouer une relation « directe » avec le
    patient
    , à l’heure où ce dernier, de
    mieux en mieux informé, devient acteur de son parcours de soin.

Le marketing digital, longtemps délaissé par le
secteur de la santé en général, représente donc un substitut de choix face aux
approches classiques, et permet précisément de répondre à ce double enjeu.

Tirer parti d’une masse de
données hétérogènes

Rappelons, s’il est utile, que les industries de santé
consacrent en moyenne un budget de 2.2% de leur chiffre d’affaires au marketing
digital (source : Gartner 2013), soit près de 660 M d’euros à l’échelle
mondiale pour un laboratoire comme Sanofi. Près de la moitié de ces dépenses concerne
les frais de développement et de maintenance des sites web corporate, destinations
importantes en termes de trafic du fait des patients-internautes en quête
d’information relative à la prise d’un médicament. Viennent ensuite les actions
de marketing direct (part prépondérante de l’e-mailing), la création et la
diffusion de contenus, puis le social media et le display.

Cela dit, réduire le digital à ces quelques postes de
dépenses reviendrait à ne pas saisir la juste mesure des enjeux actuels. En
effet, le numérique tend à recouvrir des aspects bien plus larges que celui de
la simple communication Web.

Qu’il s’agisse de la digitalisation
de la visite médicale (montée en puissance de l’e-detailing), du suivi des
patients en vie réelle (création et animation de communauté en ligne), de la
mise à disposition de matériel médical connecté, on ne peut que constater la
multiplication des dispositifs « digitaux », dont le point commun est
de générer un flux massif de données
hétérogènes.
C’est en effet dans le champ médical et notamment du
développement clinique que l’exploitation des big data présente les plus
grandes opportunités de rupture et d’avancée pour l’industrie.

Dès lors, dans un souci d’optimiser les dépenses média
d’une part et de se rapprocher des patients de l’autre, le niveau d’efficacité
dans la collecte, l’analyse et le
traitement de ces données
devient un avantage compétitif majeur.

Data Management Platform :
la solution ?

Bien plus qu’une simple mode, le « sujet DMP » constitue
une tendance de fond propre à s’inscrire dans la durée, le secteur pharma ne
faisant pas exception. Concrètement, ce type de plateforme permet de créer des
bassins d’audience sur-mesure en utilisant une combinaison de données
propriétaires ou « first-party » (ex : les données issues d’un
site internet corporate), de données partenaires (ex : données de prescriptions
collectées par IMS Health) et de données tierces (ex : achat de cookies
qualifiés auprès de revendeurs spécialisés). Tandis que ces plateformes
diffèrent selon l’éditeur, elles offrent en général la même possibilité de segmentation
permettant une mesure précise de l’efficacité de telle ou telle campagne dans
le but de l’optimiser (display, emailing etc…).

L’emploi de ces technologies de ciblage présente de nombreux
avantages pour l’industrie : création de campagnes sur mesure (possibilité
de s’adresser à des groupes de patients spécifiques selon une pathologie ou un
traitement donné), marketing direct (par exemple pour les médicaments sans
ordonnance), suivi de traitements,  closed-loop
marketing… Autant de dispositifs permettant de répondre à la double
problématique des directions marketing du secteur : se rapprocher du
patient tout en jouissant d’une meilleure maîtrise de son coût d’acquisition.

Cas d’usage : « Email ciblé pour un
médicament OTC »

Encore des obstacles organisationnels

Alors que ces quelques exemples concrets seraient de nature
à ravir les plus optimistes, il convient cependant de ne pas négliger les défis
opérationnels liés à l’implémentation d’une DMP au sein de l’entreprise. En
effet, au-delà des contraintes règlementaires spécifiques au secteur de la
santé, notamment en matière de sécurisation et d’anonymisation des données, il
existe des facteurs endogènes liés à l’organisation interne des sociétés pharmaceutiques
pouvant de fait ralentir l’adoption de ce type d’approche. Par exemple, nombreux
sont les laboratoires qui encore aujourd’hui se refusent à développer leur
propre Data System dans la mesure où leur « business lines » sont très
souvent étanches les unes des autres, et bien que chacune d’elles collecte un
montant significatif de données, celle-ci sont stockées séparément. Aussi, on
comprend que l’éclatement des silos,
au cœur même des divisions marketing, reste un élément critique. Plus qu’une
simple avancée technologique, la mise en place d’une DMP suppose un changement
profond des mentalités (transparence, coopération) qui ne peut être impulsé
qu’au plus haut niveau.

Avec le développement rapide de l’internet des objets et des
« medical devices » connectés, la gestion et l’exploitation de la donnée
de santé revêt un caractère de plus en plus stratégique pour les Big Pharma
(comme en témoigne le récent rapprochement entre SANOFI et GOOGLE). Le digital,
autrefois perçu comme un simple canal de communication supplémentaire, tend à
se tailler une place de choix au cœur même
du parcours de soin
, générant ainsi des masses de données toujours plus
pertinentes mais également de plus en plus sensibles. Cette révolution silencieuse
vient rebattre les cartes d’un secteur en pleine mutation, pénétré par les
technologies numériques, prêtant ainsi le flanc à une possible
« uberisation » à grande échelle. Du degré de pertinence des stratégies
employées pour y faire face dépendra l’émergence des grands gagnants de la
santé de demain.

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